N° 128 - Novembre 2020

Architectures médicinales

> Renaturer nos environnements de soin

« Le soin et le lieu sont inséparables », écrivait le géographe Wilbert M. Gesler en 2003. La crise sanitaire que nous traversons, en mettant à rude épreuve notre système de santé, interroge aussi la qualité des lieux où elle se pratique. Pour cause, l’OMS nous rappelle que la santé est un « état de complet de bien-être physique, mental et social », plus complexe que la simple absence de maladie. Des dimensions sur lesquelles les concepteurs n’ignorent pas l’impact des caractéristiques spatiales de l’environnement construit. En effet, qualifiée de « vecteur de bien-être collectif » par l'Union des Architectes Francophones pour la Santé, l’architecture a un rôle primordial à jouer dans ces programmes, en accompagnant l’aspect clinique du soin d’espaces confortables, apaisants, où l’on peut se repérer, se rejoindre, garder un lien avec la nature, et où l’on guérira peut-être plus sereinement. Plus que d’organisation spatiale - le sujet était déjà sur la table au XIXe siècle -, il est aussi question de matérialité. Celle-là même qui affecte nos sens – particulièrement sensibles en situation de faiblesse - en dialoguant avec notre peau, notre vue, notre odorat, qui convoquent instinctivement souvenirs et imaginaires. La faculté d’architecture de Brastislava a par exemple mis en lumière la sensation d’apaisement procurée par les variations de texture et de grain du bois : serait-il question d’archétypes, d’une biophilie naturelle chez tous les êtres humains ? Ces considérations sensibles s’opposent hélas au mille-feuille normatif du secteur médical, davantage construit à partir des données de la physique-chimie que de celles des sciences sociales, qui contraint à la fabrication d’environnements stériles, synthétiques et aseptisés, où les surfaces sont froides, inodores, lisses, blanches et éblouissantes. Les normes interdisent en effet, pour bon nombre d’usages, les matériaux naturels qui, poreux, encourageraient la propagation des bactéries. Or, des chercheurs ont non seulement prouvé que ce postulat était infondé, mais aussi révélé de leurs nombreuses qualités sanitaires et psychologiques. Si l’univers hospitalier fait preuve d’inertie du fait de sa haute technicité, les maisons de santé, cabinets de médecins, EHPAD et autres établissements socio-médicaux, moins réglementés, sont quant à eux plus en plus nombreux à intégrer du bois dans leurs locaux, autant pour des questions de confort que d’empreinte carbone, enjeu qui rappelle que l’écologie est aussi une question de santé publique, si ce n’est la plus fondamentale. L’équipe de Séquences Bois a donc sélectionné les plus beaux et récents exemples de cette « avant-garde », dans les territoires de l’Hexagone, mais aussi en Angleterre, en Autriche et au Liechtenstein.

Sarah Ador

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