Faire avec l’existant c’est continuer, densifier, restaurer, transformer, enrichir, faire dialoguer, surélever, entretenir, étendre, maintenir, rénover, réhabiliter, conserver, adapter, préserver, réutiliser, rectifier, reconvertir, relier… La diversité des gestes, des attitudes, et des propositions possibles démontre que le sujet est loin d’être ennuyeux. Au contraire les démêlés avec les détails de l’existant et ses heureux accidents sont autant de contraintes pour le concepteur qui rendent la mission incontournablement créative. Avec plus d’attention à la singularité du lieu, nous sommes loin des grands gestes, ou de l’uniformité des réponses conformes et génériques que peut présenter le neuf. « En architecture, transformer est tout aussi créatif que créer ». C’est pourquoi la pluralité des projets présentés dans ce numéro est importante. Sans ne faire aucunement l’apologie d’une certaine forme de conservation aveugle, ils sont, chacun à leur manière, des exemples de ce qui peut être pensé avec, dans et pour l’existant. Bien que l’activité de rénovation représente une part grandissante des travaux réalisés par les architectes, le taux de logements ou de bureaux vacants ne semble pas diminuer3. Sans minimiser la complexité de la réappropriation de ce bâti, la question « faut-il encore construire ? » anime les débats, dès lors qu’il est possible d’intervenir sur le déjà-là : ne plus démolir, d’abord réhabiliter, accepter des usages temporaires, chercher le réemploi des matériaux et leur économie, et mutualiser pour ainsi éviter l’artificialisation des sols et le mitage du paysage. Car au-delà d’être une voix désirable pour les concepteurs, il s’agit surtout de l’une des réponses évidentes à nos préoccupations environnementales actuelles, qui nous incitent, plus que jamais, à créer de nouvelles pratiques dans l’art de construire et de ménager. En allant au-delà des solutions purement techniques qui ont fait l’objet des stratégies de rénovations thermiques, nous questionner sur la valorisation des ressources locales et des savoir-faire, c’est déjà faire avec l’existant : un acte écologique, économe et sensible. Le défi qui s’impose, dans ce contexte, est d’apporter une attention plus fine à ce qui nous entoure. Considérer d’abord le facteur humain, comme a pu le faire Lucien Kroll durant toute sa carrière, et porter attention au contexte. S’insérer dans un paysage, qui met à disposition des ressources, afin d’y tisser finement chaque projet pour qu’il s’ancre de manière unique dans sa trame paysagère ou urbaine. Alors que le numéro 135 faisait foi de la pertinence du matériau bois pour dialoguer
avec un patrimoine d’exception, les réalisations présentées dans ce numéro sont
davantage de l’ordre du bâti ordinaire, où le bois trouve aussi incontestablement sa place. Un bois qui – et c’est l’object du guide – gagne lui aussi, par différents moyens de protection, à être soigné.