> Figures élémentaires pour tableaux vivants.
À l’heure de l’effet Bilbao, où la culture se veut portée comme étendard - quitte à ce que l’édifice ne soit qu’une image qui n’évoque rien de sa fonction -, peut-on rêver d’une architecture dévolue au spectacle vivant, apte à lui laisser place en toute humilité ? Les six projets présentés dans ce numéro, glanés de l’Europe jusqu’aux Etats-Unis, témoignent d’une rationalité architecturale au sein de laquelle les artistes bénéficient d’une sobriété spatiale, de l’ordre du cadre entre les lignes duquel peut s'épanouir le tableau. Sans fioritures, ils incarnent une esthétique tectonique, où la structure visible, la plus épurée possible, donne forme aux espaces. Tous issus de figures géométriques élémentaires - le cylindre, le rectangle, la grille orthogonale, le nonagone, le pliage -, leur forme extérieure est révélatrice de l’espace intérieur. Dans ces exemples inspirants, le bois, qui fut le matériau constitutif des premiers théâtres grecs, démontre encore et toujours sa propension à susciter un univers privilégié pour la création artistique. Il apparaît tout indiqué pour ce milieu coutumier de la frugalité heureuse : léger, démontable, simple et rapide à mettre en oeuvre, brut, authentique et dénué de besoin de parement. Sensible au temps qui passe et évocateur d’une certaine versatilité, il fait écho au caractère éphémère de l’art qui s’y joue. Si l'on s'y penche un peu, il est aussi capable de répondre aux enjeux acoustiques que soulèvent les lieux de spectacle, comme en témoignent à la fois les projets sélectionnés, mais aussi les panneaux présentés dans le guide en deuxième partie de numéro.
Sarah Ador