Survenu en 2017, l’incendie de la tour Grenfell ne cesse de projeter son ombre sur la réglementation incendie de nombreux pays. Si la combustion de ce bâtiment londonien de 24 étages, qui venait d’être rénové pour améliorer ses performances thermiques, a surtout mis en évidence l’illégalité des matériaux choisis pour un édifice de cette hauteur (un bardage en aluminium et un isolant en polyéthylène expansé), la dimension traumatique de l’incident incite le gouvernement britannique à durcir coûte que coûte sa réglementation, au détriment d’un certain discernement. En effet, après avoir interdit tous les matériaux combustibles sur les façades des immeubles d'habitations, hôpitaux, écoles, logements étudiants et maisons de soins de plus de 18 mètres fin 2018, il vient de proposer de descendre le seuil à 11 mètres (soit quatre étages), et de l’appliquer à tout le complexe de façade, y compris aux éléments structurels.
À l’heure où la plupart des pays s’accordent à fixer des objectifs de neutralité carbone, tel que le Comittee on Climate Change (CCC) britannique, engagé sur un objectif d’émissions de gaz à effet de serre nettes nulles d’ici 2050, bannir les matériaux combustibles – c’est-à-dire notamment le bois (CLT et lamellé-collé compris) –, paraît d’un absolu non-sens et d’une contreproductivité incroyable, à un moment de basculement où les immeubles bois se multiplient à travers le monde.
Engagé en faveur d’une utilisation croissante du bois comme alternative aux matériaux énergivores, le réseau ACAN (Architects Climate Action Network), qui s’aligne sur la position de la Timber Trade Federation, appelle à dissocier clairement les problématiques de revêtement des problématiques de structure, et à procéder à davantage de tests au feu pour mieux connaître les matériaux. Ils rappellent que le bois est un des matériaux dont les effets et la vitesse de combustion sont les plus maîtrisés, nécessitant de simples surdimensionnements des éléments structurels pour garantir une stabilité d’une durée donnée. Pointant du doigt le manque d’arguments apportés par le gouvernement, la Timber Trade Federation avance : « Il n'y a aucune preuve que les murs structuraux présentent le même risque d'incendie que le revêtement extérieur, et il n'y a donc aucune justification pour traiter les deux de la même manière ». Cette dissociation entre structure et revêtement est d’ailleurs effective en Ecosse, permettant de perpétuer l’usage de bois en structure dans les immeubles de plus de quatre étages, et ne l’interdisant qu’en revêtement. Par ailleurs, toute aussi convaincue de la nécessité d’augmenter la sécurité incendie des bâtiments, la TTF propose de travailler davantage sur l’ajout de sprinklers et d’escaliers de secours.
Nombreux à s’être investis dans le développement des constructions de grande hauteur en bois (
voir notamment notre article sur Dalston Lane, par Waugh Thistleton), les architectes britanniques, risquant d’être stoppés en plein vol, alertent le gouvernement sur l’incohérence induite par cette réglementation, notamment à l’égard de l’objectif « Fit for the Future » du Comittee on Climate Change (CCC) / UK Housing, qui préconisait jusqu’alors d’augmenter l’usage de bois dans la construction, mais aussi à l’égard des objectifs de construction britanniques, qui misaient largement sur les temps de chantier réduits de la construction bois, notamment grâce à la construction modulaire. Interdire le bois selon la réglementation proposée aurait selon eux des impacts économiques et temporels très importants.
Heureusement, cette suggestion de réglementation fait l’objet d’une consultation publique depuis le 20 janvier, et a récemment été prolongée jusqu’au 25 mai, ce qui devrait permettre aux architectes et entreprises concernés d’opposer leurs arguments et de faire-valoir leur expertise. Près de soixante personnes se sont déjà mobilisés, dont les architectes des agences Glenn Howells, Waugh Thistleton, et David Chipperfield.