POINT DE VUE - Son de cloches

Rédigé par Anne-Sophie GOUYEN
Publié le 01/09/2022

Article paru dans Séquences Bois n°136

Le CNB, le conseil national du bruit, estime que le coût social des nuisances sonores pour la sécurité sociale serait chiffré à 16 milliards d’euro par an, causant notamment des troubles du comportement, des difficultés de concentration et de l’absentéisme… Pourquoi l’acoustique reste-elle alors « l’enfant pauvre du bâtiment ? »(1)Selon un sondage Ifop de mars 2022(2), près de 7 Français sur 10 indiquent être gênés par le bruit et deux principales sources émergent(3) : la circulation routière et le voisinage. L’isolation acoustique serait la première préoccupation des habitants de logements collectifs en France(4), alors que la vie en appartement est à 58 % une situation subie, au détriment d’une maison. 

« Si les Français plébiscitent le modèle de la maison individuelle, c’est en grande partie par crainte des bruits de voisinage ».(5) À l’heure où l’on parle de densification de l’habitat, pour endiguer l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, il semble donc primordial de se concentrer sur les performances acoustiques des logements et d’investir durablement dans ces solutions, qui présentent évidement un coût, mais permettent au bâtiment d’être adaptable aux évolutions à venir de notre monde en constante mutation. Pour prendre un exemple, alors que les Français sont en moyenne 7 cm plus grands qu’il y a 60 ans, la hauteur sous plafond des bâtiments a perdu 27 cm. On peut pourtant se demander s’il ne faudrait pas, au contraire, prévoir dès aujourd’hui des hauteurs de plafonds suffisantes pour permettre de continuer d’améliorer ultérieurement l’isolement acoustique des logements. En termes de réversibilité des constructions, l’isolement acoustique entre chambres d’un même logement pourrait également être traité plus rigoureusement, pour accompagner le « boom de la colocation que le renchérissement du coût de la vie ne risque pas de faire retomber ».5 L’investissement dans l’environnement sonore, sera justement l’objet des 9e Assises Nationales de la Qualité de l'Environnement Sonore, organisées pas le CIDB les 27 et 28 septembre 2022.(6)

La recherche en acoustique AdivBois, l’Association pour le développement des immeubles à vivre en bois, a pour objectif de promouvoir la filière bois, en réalisant des études (incendie, structure, enveloppe et acoustique) pour lever des freins techniques. Depuis juin 2016, l’atelier acoustique, piloté par Bertrand De Bastiani a permis de réunir, tous les deux mois, une vingtaine de membres actifs, laboratoires, bureaux d’études, bureaux de contrôle ou encore industriels. Le but était d’identifier les problématiques rencontrées en construction bois, et a notamment permis de rédiger un vade-mecum(7) des immeubles à vivre en bois et de concevoir une maquette acoustique échelle 1. La question des basses fréquences est l’une des premières questions évoquées : rappelons d’abord que plus les matériaux sont lourds, épais et de grande masse, moins ils vibrent et plus ils bloquent les sons et apportent de l’inertie au bâtiment. C’est pourquoi le bois, qui présente un vrai déficit de masse, engendre des risques de faiblesses dans les basses fréquences. La réglementation française fixe des valeurs maximales pour la transmission des bruits d’impact. Ces valeurs sont exprimées avec un indice global en dB qui ne prend pas en compte les basses fréquences (<100Hz). Or, dans le cas de structures bois, il est primordial d’aller audelà de ce critère réglementaire global, puisque le respect du niveau de « base » de ces textes ne permet pas de garantir le confort des usagers. Un travail de mesures de laboratoire a notamment permis de réévaluer ces critères. Une autre problématique est la dualité entre bois apparent et transmissions latérales : pour l’ensemble des systèmes bois, et lorsque des isolements importants sont recherchés (entre logements par exemple), il est primordial que les éléments soient indépendants entre locaux afin de supprimer les transmissions latérales par un élément bois filant apparent. En effet, le contact direct entre des matériaux rigides de la structure ou des finis de plancher occasionnent le transfert, et parfois même l’amplification, des sons et des vibrations. En dissociant les matériaux de haute densité les uns des autres par des matériaux résilients, on s’assure ainsi de diminuer le déplacement des vibrations. C’est ici que les détails et l’exécution de ces derniers sont primordiaux. Le but de la maquette échelle 1 était donc de travailler sur ces transmission latérales et de montrer l’influence des jonctions entre éléments sur la propagation vibratoire, notamment en comparant les valeurs d’isolement vibratoire mesurées avec celles disponibles dans la littérature. Elle a également permis de vérifier la faisabilité et l’influence des éléments bois apparents à travers l’étude de plusieurs complexes de planchers, de structures et de murs apparents. Enfin, les équipements générant des vibrations (équipements techniques, chutes d’eau, machine à laver…) ne doivent pas être fixés sur des éléments légers. Il s’agit donc, dans des bâtiments qui ne possèdent pas d’éléments lourds, de rigidifier les supports ou d’ajouter ponctuellement des socles pour garantir l’efficacité des systèmes de désolidarisation. Des expérimentations restent à mener dans ce domaine pour définir plus précisément les solutions à mettre en oeuvre. Les études sur ces différentes problématiques sur la maquette acoustique ont été menées de février à avril 2021 et les résultats ont été présentés dans le Webinair d’Adivbois de juin 2022, disponible sur son site(8). De nombreux essais ont permis des mesures sur structure à nu, puis doublée, différents types de sols, des systèmes avec ou sans résilient, allant même jusqu’à faire varier l’empattement des vis des jonctions étudiées. Malgré ce travail colossal, notons que l’ensemble des tests ont été réalisés avant la nouvelle réglementation incendie. « Nous avons beaucoup avancé mais, au moins pour les immeubles de 4e famille ou IGH, nous risquons d’être bloqués pour des contraintes incendies, au sens où l’on risque de tout devoir encapsuler. Nous sommes désormais vraiment suspendus à la réglementation incendie », ajoute Thomas Toulemonde, acousticien. Il s’agira donc de continuer ces recherches en intégrant les nouvelles normes. ASG


1. Comme le fait remarquer Jean-Louis Baumier, ingénieur, conseiller et formateur en acoustique de l'éco-construction. 2. Sondage Ifop pour la journée nationale de l’audition de mars 2022. 3. Réalisé en septembre 2014 pour le Ministère de l’écologie, du Développement Durable et de l’énergie et le Conseil National du Bruit pour comprendre l’origine perçue des nuisances sonores. 4. Selon les résultats du baromètre Qualitel 2020. 5. D’après le Centre d’information et de documentation sur le bruit. 6. www.assises.bruit.fr 7. www.adivbois.org/vade-mecum/ 8. www.adivbois. org/webinaire-atelier-acoustique-adivbois/

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