. Architecte, historien et professeur à l’Institut de Géoarchitecture de l’Université de Bretagne occidentale, Daniel Le Couédic, directeur de cette thèse, préface ici sa version éditée. Dans un livre au sujet jusqu’alors inexploité, richement documenté et illustré, l’auteur étudie les bâtiments agricoles comme les témoins de ce que Daniel Le Couédic nomme une « transmutation civilisationnelle », depuis l’après-guerre jusqu’au tournant des années 2000. Au fil de trois grandes parties chronologiques, il brosse le portrait d’un pan de l’architecture quelque peu dédaigné, qui témoigne à la fois de la disparition de la société paysanne et de la paradoxale présence croissante du bâti agricole dans le paysage. L’étude du bâti agricole est ainsi propice à une étude plus large des ressorts politiques, économiques et réglementaires de l’évolution des paysages ruraux. Soulignant les nombreux « rendez-vous manqués avec les architectes », Hervé Cividino ne restitue pas moins l’étendue des théories et expérimentations qui ont trait à ce terrain fertile de l’histoire des idées, particulièrement sujet à l’application des idéologies de la modernité, notamment cristallisées autour des processus de standardisation. La première période décrite marque le début de l’industrialisation de l’architecture agricole, justifiée par des motifs tout d’abord hygiénistes. L’auteur note alors l’émergence de bâtiments de plus en plus polyvalents, caractéristique alors perçue comme un emblème de modernisation, ainsi que l’apparition d’équipements rendus nécessaires par les nouveaux engins agricoles. Les nouveaux systèmes constructifs remettent par ailleurs en cause l’usage des matériaux traditionnels, à l’heure où apparaissent les premiers organismes spécialisés en bâtiment agricole. La seconde période, qui correspond aux années 60, documente le passage de la polyvalence à la re-spécialisation des programmes, ainsi que l’intensification de la production, autour de typologies standardisées, et nouvelles (étables de grand format, bâtiments hors-sols), dont on diffuse les plans. Enfin, la dernière partie aborde le sujet du paysage tel qu’il s’est progressivement posé pour l’architecture agricole, avec, d’un côté, l’émergence des démarches de consultance architecturale, de l’autre l’évolution de l’approche esthétique (de l’embellissement à l’intégration paysagère), mais aussi la promulgation de la loi de 1977 sur l’architecture puis de la loi paysage de 1993. Une sous-partie est consacrée à la place du matériau bois et à sa pertinence durant cette période, autour des enjeux de ressource locale, d’autoconstruction, et d’investissement industriel.
Éditions du Moniteur, 356 pages, 25 x 18 cm, 2019, 39€.