Avec sa toiture de chaume et sa charpente en vieux bois, un étonnant prototype de rue couverte vient confronter son esthétique organique et artisanale à la minéralité high-tech du quartier tertiaire des Portes de Paris, relevant à cette occasion le défi du réemploi structurel du bois.
À cheval entre Aubervilliers et Saint-Denis (93), les 60 hectares de l’ancien site des magasins généraux de Paris sont progressivement reconvertis en parc tertiaire. Entièrement géré par ICADE, ce territoire fait depuis une dizaine d’années l’objet de nombreuses expérimentations urbaines pour répondre aux enjeux de biodiversité, de climat et d’énergie rencontrés par les environnements fortement artificialisés, en intégrant pâturages, « bocages urbains », aménagements en faveur des mobilités douces… Dans ce quartier essentiellement fréquenté par des travailleurs, ICADE avait identifié une demande partagée pour davantage d’aménités permettant de parcourir agréablement le « dernier kilomètre » entre le pôle tertiaire de la porte d’Aubervilliers et la sortie du métro front Populaire, en cas d’intempéries et de fortes chaleurs. « Nous avons alors entrepris de réfléchir plus largement à des dispositifs qui permettent de poursuivre les lieux d’activité à l’extérieur des bâtiments. Il s’agissait de créer des espaces de plein air qui complètent la fonction productive de notre parc d’une fonction récréative et sociale, des abris qui permettent de se rencontrer, discuter, échanger », développe Olivier Guillouët, directeur de l’aménagement chez ICADE. « Ce peut être un espace de rencontre avec trois bornes où l’on va pouvoir se connecter au wifi, ou un lieu pour se restaurer parce qu’il y a de la place pour installer un food truck », exemplifie-t-il.
En 2018, un concours d’architecture est donc lancé, encourageant le recours à des « matériaux nobles » et de réemploi, sujet dont le groupe ICADE a la particularité d’être familier, en tant que co-fondateur de la plateforme de réemploi Cycle Up. Deux projets, tous deux en bois, sont finalement retenus : Cellules urbaines, de Pseudonyme Architecture, et Chaume urbain, signé du collectif bordelais Moonwalklocal, récemment nommé aux AJAP. Cette seconde proposition prend le parti de trancher radicalement avec le contexte : « Notre architecture est un peu un contrepoint dans cet univers de bureaux strict, orthogonal » explique Axel Adam, architecte co-gérant du collectif, pour qui le projet apparaît comme « une sorte de version déconstruite » du bâtiment Pulse situé à l’arrière-plan. À Saint-Denis se retrouvent ainsi les deux extrêmes facettes de l’ambivalente filière bois : sa version industrialisée et standardisée, permettant de construire des bâtiments de très grande envergure, et sa version artisanale, issue de l’économie circulaire, portant d’autres valeurs et projets. « Nous avons voulu éviter le green high-tech au bénéfice de quelque chose qui est à la fois plastiquement intéressant et construit avec des matériaux sains, décarbonés, qui poussent la logique du réemploi », ajoute-t-il. Faute de pouvoir réaliser les deux projets sur le même site, ICADE a choisi de réaliser pour le moment deux prototypes grandeur nature, d’environ 40 mètres de long au lieu des 900 prévus initialement. Si le premier est à son emplacement définitif, Chaume Urbain est pour l’heure positionné dans un site temporaire, ce qui a impliqué de le concevoir déplaçable, en trois morceaux. « La vocation des prototypes est de tester le système constructif, de jauger la facilité de montage, mesurer les coûts réels, et étudier leur acceptabilité auprès du public et des professionnels qui travaillent », développe Olivier Guillouët. [...]
Maître d'ouvrage : Icade promotion (92)
Maître d'œuvre : Moonwalklocal (33)
BET réemploi : Mobius Réemploi (93) / BET bois : Cube Ingénieur (33)
Entreprise bois : Glot Charpente (72)
Date de livraison : janvier 2021
Surface : 230 m²
Volume de bois utile : nc
Lieu : Saint-Denis (93)