Pour cause, dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) adoptée en avril dernier, l’Etat s’est engagé à réduire l’empreinte carbone du bâtiment de 49% par rapport à 2015, visant une neutralité carbone à horizon 2050 dans la Loi énergie-climat. Pour ce faire, le gouvernement active notamment deux stratégies, dont les règles entreront en vigueur le 1er juillet 2021 en ce qui concerne les logements, les bureaux et l’enseignement (le tertiaire spécifique faisant l’objet d’un volet ultérieur). Un « bâtiment neuf et performant » représentant « entre 60 % et 90 % de son impact carbone total », selon les dires de Barbara Pompili, une première partie de la réglementation vise à décarboner la construction. Il s’agit de recourir à des seuils de carbone par mètre carré, calculés au regard d’une analyse du cycle de vie (ACV) des matériaux de construction. Pour fiabiliser et préciser les calculs, il faudra néanmoins que les fabricants produisent massivement leurs propres FDES, ces fameuses fiches où le poids carbone du matériau sera exprimé, sans quoi les concepteurs devront composer avec des valeurs moyennes souvent moins avantageuses. Nouveauté par rapport à l’expérimentation E+C-, ce calcul valorisera désormais le stockage temporaire du carbone – propre aux matériaux biosourcés – via une ACV dite dynamique. Fruit d’une étude canadienne de l’institut CIRAIG, elle donne un poids plus fort au carbone émis aujourd’hui qu’au carbone qui sera émis dans cent ans, défavorisant de fait les matériaux qui émettent lors de leur production. Un peu moins ambitieux que l’Union des Industriels de la Construction Bois, qui avait proposé des objectifs très exigeants dès 2021, le gouvernement propose une progressivité, pour laisser aux acteurs de la construction le temps de s’accoutumer aux nouveaux outils : à partir de 2024, -15% d’émissions de CO2 sur la durée de vie des matériaux du bâtiment, -25% à partir de 2027, et -30 à -40% en 2030. Communiquées début décembre au CSCEE, les seuils pourraient se traduire ainsi pour le logement collectif : 700 kg eq.CO2/m² d’ici 2023, 610 à partir de 2024, 540 en 2029, et enfin 450 en 2030. Ces objectifs vont fortement encourager les filières biosourcées, et notamment le recours quasi systématique au bois structurel dans les maisons individuelles et les petits collectifs. En complément, un indicateur de stockage carbone purement indicatif sera calculé à des fins d’information.
Une seconde partie vise à améliorer la performance énergétique des constructions, en abaissant de 30% leurs besoins climatiques conventionnels (Bbio, besoins en énergie pour le chauffage et l’éclairage artificiel), tout en ajoutant un indicateur sur le confort d’été, concernant les besoins de refroidissement. Sur ce dernier point, deux seuils sont fixés : un maximum qu’il sera interdit de dépasser, et un minimum idéal, en-dessous duquel le bâtiment n’aura pas du tout besoin de climatisation. Cet indicateur va notamment encourager à épaissir les isolations, réduire les ponts thermiques et choisir des matériaux plus isolants, mesure qui sera vraisemblablement aussi en faveur des biosourcés.
Malgré l’ambition notable de cette réglementation, qui annonce de véritables transformations des habitudes de construction, on ne peut que déplorer que ces exigences ne concernent pas la rénovation, alors qu’elle devrait être au cœur des préoccupations pour assurer la cohérence de la politique de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) menée parallèlement. Il ne reste qu’à espérer que des précurseurs prennent l’initiative de se saisir du sujet sans attendre une tardive réglementation.