Depuis quelques années, le prisme de l’efficacité énergétique tend à homogénéiser les discours et à limiter la palette des partis pris architecturaux. Entre autres, le mantra de l’isolation thermique par l’extérieur implique une disparition de la structure derrière l’enveloppe. Quand il ne s’agit pas de thermique, les parois se complexifient pour répondre aux enjeux de sécurité incendie et d’acoustique. Dans ce contexte, peut-on encore chercher à exprimer une forme de vérité constructive ? À une époque où les architectes, sommés d’objectiver toujours davantage leurs processus de conception, sont poussés par la normalisation à utiliser de plus en plus de solutions industrielles prêtes à l’emploi, Anna Maria Bordas (Bordas+Peiro architectes) a proposé à ses étudiants de l’ENSA Paris-Val-de-Seine de s’intéresser à l’architecture expérientielle comme manière de renouer avec les questions fondamentales de la discipline architecturale. En les invitant à comparer, lors d’un séminaire, plusieurs œuvres contemporaines relevant d’une forme de monolithisme ou d’abstraction (Ando, Zumthor, Kuma), l’enseignante les a invités à étudier les relations et les rapports de hiérarchie entre structure, enveloppe et forme. Comment sont effectivement construites ces grilles tridimensionnelles que l’architecture contemporaine décline en béton, en bois ? Dans quelle mesure l’apparente logique constructive peut-elle faire l’objet d’une mise en scène ? Quelle est l’importance de la structure par rapport à celle de l’enveloppe quant à l’impression qu’elle dégage ? Au-delà des questions formelles, il s’agissait aussi de mesurer le pouvoir d’expression des matériaux eux-mêmes, que Rafael Moneo présente comme un des champs de recherche prépondérant dans l’architecture contemporaine. À quel point la mise en œuvre d’une matière – son état de surface, son positionnement, ses détails d’assemblage, la dimension de ses composants – peut-elle influer sur les sensations véhiculées par l’édifice ? Un studio de master a été l’occasion de prolonger ces questionnements par des travaux pratiques. En choisissant un matériau avant toute idée préalable de forme, les étudiants invités à mettre les mains à la pâte ont exploré à la fois l’étendue des expressions esthétiques d’une seule et même matière, mais aussi les limites que ses caractéristiques peuvent imposer à la forme. Du liège à la terre crue, du chêne au papier calque, les matériaux suggèrent par eux-mêmes des formes, des assemblages et des sensations dont l’architecture peut se nourrir, voir émerger.
À visiter jusqu’au 9 avril – Espace Exposition de l’ENSA Paris-Val-de-Seine