EVENEMENT / Pièce chorégraphique sur structure bois

Rédigé par Sarah ADOR
Publié le 15/07/2021

Accueilli en résidence par les Ateliers Médicis de Clichy-sous-Bois-Montfermeil (93), l’architecte-chercheur Feda Wardak s’associe au danseur Jean-Yves Phuong pour imaginer une œuvre chorégraphique à la fois politique et poétique autour d’une architecture monumentale en bois construite dans la forêt de Bondy. "En-dessous la forêt", un spectacle à découvrir du 15 au 20 juillet.

Installés depuis 2006 dans le territoire en pleine transformation de Clichy-sous-Bois-Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, les Ateliers Médicis s’attachent à réaffirmer la place de la création artistique dans les banlieues. Accueillant des artistes de toutes disciplines, ils soutiennent la création d’œuvres « pensées en lien avec les territoires », émergeant de jeunes et nouvelles voix artistiques, participant au désenclavement et au développement de cette localité. Portant le projet d’un équipement culturel de dimension métropolitaine et nationale, qui ouvrira ses portes en 2025, les Ateliers Medicis sont pour l’heure installés dans un bâtiment de préfiguration en bois, conçu par Encore Heureux. Situé aux abords d’une promenade sous laquelle coule la Dhuys, ce lieu à la fois laboratoire d’expériences artistiques et maison du projet sera par la suite reconverti en logements d’artistes.

Accueilli en résidence par les Ateliers Médicis depuis fin 2017, Feda Wardak est architecte de formation, artiste-constructeur et chercheur indépendant, passionné par les enjeux politiques et sociaux de l’aménagement du territoire. Co-fondateur de la plateforme et de la revue Aman Iwan, il est arrivé à Clichy-sous-Bois avec l’ambition de mettre en place plusieurs dispositifs relationnels soulevant des enjeux d’aménagement liés au contexte de rénovation urbaine que connaît actuellement la ville, qui sera prochainement desservie par une ligne du Grand Paris Express, dont le chantier éventre actuellement la ville. Plus particulièrement, la dynamique de destruction, de remodèlement des sols, de reconfiguration des liens entre ville et forêt, mais aussi de contrainte des parcours que ces chantiers monumentaux engagent ont retenu son attention. Après une année de recherches et d‘observation, Feda Wardak a créé des liens avec la population locale, et notamment avec les plus jeunes, les « enfants-chercheurs », les appelle-t-il, pour et avec qui il a imaginé ses premières interventions. L’architecte s’est d’abord penché sur le sujet de l’eau, et plus particulièrement du cours de la Dhuys, canalisé sous la ville, qui a abouti à la construction de l’Arche de la Dhuys : une « machine à eau » construite en bois, qui interroge la privatisation de ce réseau d’eau initialement public, désormais au service de Disneyland Paris. 

Après ce premier projet, c’est la question de la forêt, et de sa relation avec la ville en perpétuelle extension, qui l’a interpellé. Initialement très étendue, la forêt de Bondy a été considérablement tronquée par d’importantes coupes rases dans les années 60, qui ont permis d’urbaniser la zone, dont seule la toponymie garde encore le souvenir d’un passé forestier. Feda Wardak a pu observer comment cette intervention, qui a conduit à une minéralisation des sols, a bouleversé le cycle de l’eau local, nécessitant la construction d’un immense bassin d’orage quelques années après. « Aujourd'hui, le vis-à-vis entre les immenses architectures de béton et les grands chênes est directe. Il témoigne de cette urbanisation progressive qui perturbe certaines pratiques et usages », remarque-t-il, expliquant que des enjeux de pression foncière menacent encore la forêt, dont la lisière est devenue « un espace tampon, un refuge pour les corps marginalisés ». 
Un premier projet de cabane, réalisé avec les « enfants-chercheurs », a permis de créer un ancrage dans cette forêt, pour « rencontrer des gens, les interpeller, adopter un autre point de vue, peut-être sortir de la condition humaine comme le propose Philippe Descola » explique Feda Wardak, qui y voit aussi un moyen d’interroger les représentations et imaginaires autour des différents degrés de naturalité de notre environnement, rappelant que cette forêt de douglas plantée par l’homme n’a d’ailleurs rien d’un écosystème naturel. « C’est une forêt artificielle, gérée comme du mobilier urbain », remarque-t-il. Pendant une année, beaucoup d’ateliers ont pris place autour de cette première construction, devenue un point de repère et de rendez-vous pour les jeunes des environs, qui a permis de créer un « espace de confiance » entre l’artiste et les habitants. 

De cette installation sur place est née l’idée de construire une grande structure en douglas, dont la trame orthogonale se veut un écho à celle qui structure les grands ensembles alentour. Avec un plan en arc-de-cercle, cette architecture scénique de six niveaux a été installée sans fondations (au moyen de simples blocs de béton préfabriqués posés sur un lit de sable), afin d’assurer sa réversibilité, et positionnée de manière à ne déranger aucun arbre, dont l’emplacement, la taille et la courbure avaient été préalablement relevés avec précision. « Il fallait une trentaine de mètres de libre sans trop d’obstacles », explique l’architecte, qui s’est attelé lui-même à la construction, en collaboration avec le chorégraphe Jean-Yves Phuong, un élagueur et un couple d’étudiants en architecture rencontrés dans le cadre d’un projet précédent. La construction a été montée sans engins de levage, avec des poulies, uniquement à partir de panneaux, de platelage et de sections de 70x70 et 35x35, assemblées à mi-bois pour renforcer leur résistance. « Il n’y a aucune tige filetée, aucun boulonnage », précise l’architecte. Pensée comme un ouvrage éphémère, plutôt comme une œuvre artistique que comme une architecture répondant aux normes de sécurité, la structure sera démontée dans l’année, et sera potentiellement réemployée ailleurs.

« C’est aussi un projet d’écologie politique », précise Feda Wardak, qui passe ses journées en forêt, ravi que le projet suggère des réactions (« rendez-nous notre forêt, allez construire en ville ! ») qui lui donnent l’occasion d’expliquer sa démarche et de rencontrer toujours plus d’interlocuteurs. « Il s’agit de créer des espaces de débat et de tension plutôt que des coquilles, ce que fait trop souvent l’architecture », regrette-t-il, expliquant qu’il n’a pas vocation à contrôler les usages de ce projet, qui deviendra peut-être, dans les mois qui suivent, le support d’évènements associatifs, de jeux, ou de représentations spontanées. 

Sur cette structure, Feda Wardak et Jean-Yves Phuong ont imaginé une pièce chorégraphique, pensée comme une métaphore poétique des problématiques sociales et environnementales rencontrées. Elle sera jouée à la nuit tombée, du 15 au 20 juillet, accompagnée d’une création lumière et d’une création sonore, co-conçue avec les jeunes visiteurs du lieu.


Réservations [ICI]
Le lieu de rendez-vous est fixé aux Ateliers Médicis à 21h.

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