Utilisation exclusive d’essences de bois locales et indigènes, mobilisation d’entreprises régionales, programme à destination d’une forme soutenable de tourisme… On admettra que de tels projets sont encore rares. Il faut dire que les étoiles étaient ici particulièrement alignées. Tout d’abord, un programme européen LEADER  soutenant une quarantaine de projets sur le territoire de la Seine Normande, créé pour valoriser les ressources locales par le développement des filières courtes, mais aussi renforcer les services du territoire à la fois à destination des habitants et des touristes. C’est dans ce cadre que la mairie de Vatteville-la-Rue avait récemment créé une petite épicerie au cœur de la commune, et a eu l’idée de lui adjoindre une halle destinée aux randonneurs, en structure bois. En effet, dans ce village propriétaire d’une forêt, le maire a la particularité d’être aussi le président de l’Union Régionale des Communes forestières, qui a pour but de « valoriser les ressources locales, et de faire de la filière bois un vecteur de développement local », explique Laure Ferrier, directrice de l’organisme. Situé en bord de Seine, le village hérite aussi d’une histoire liée à la fabrication de bateaux. Construire en bois était donc une évidence, d’autant plus que la commune est membre du Parc naturel régional des Boucles de la Seine Normande, pour qui l’utilisation d’essences locales dans la construction publique est l’un des objectifs de la Charte Forestière de Territoire. Précieux entremetteur entre les acteurs locaux, assistant à maîtrise d’ouvrage sur de nombreux sujets comme la construction écologique et les circuits courts, mais aussi coordinateur local de plusieurs programmes de subventions, le Parc a vu dans cette initiative l’occasion de nouer un partenariat avec l’ENSA Normandie, à la recherche de sujets de projets concrets pour ses étudiants. 

L’architecte Benoît Flin et l’ingénieur Asle Gonano y encadrent en effet un cours de Master 1 intitulé « Fabrique Bois », où les étudiants sont invités à mobiliser le matériau bois dans une architecture répondant à la commande réelle d’une commune. Durant un semestre, ils développent ainsi leurs compétences et connaissances sur la mécanique des structures, les détails techniques, les propriétés du matériau et le choix d’essences appropriées, tout en étant confrontés à des interlocuteurs autres que leurs professeurs, qu’ils seront amenés à côtoyer dans leur futur métier. « Ce projet est le premier à avoir été réalisé », témoigne Benoît Flin. « Il nous a permis de découvrir l’aspect plus pratique du métier, l’expérience a vraiment été très formatrice », relate quant à lui Sébastien Dutel, l’un des quatre étudiants concepteurs du projet réalisé. « La question des ressources locales faisait partie des sujets sur lesquels nous les avons interrogés : quelles essences avaient-ils choisi, au regard de quelles ressources disponibles localement, comment comptaient-ils les mettre en œuvre, avec quels traitements ? C’était aussi notre rôle de les confronter à la commande publique au moment de la restitution », complète Julien Chesnel, chargé de mission forêt-bois au Parc. Sélectionné par les élus à l’issue de quatre mois de travail, durant lesquels les vingt étudiants ont été encouragés à développer cinq propositions très différentes, le projet lauréat a retenu l’attention pour son esthétique : il rappelait la typologie de la longère, dont il avait existé un specimen à l’endroit-même où serait construite la halle, et l’usage traditionnel du bardeau de bois (aussi appelé essente dans la région ), qui permettait par ailleurs d’utiliser en toiture un matériau naturel, local et artisanal, qualités que partagent peu de matériaux de couverture. Pour faire connaître cette technique, le Parc avait d’ailleurs imaginé faire de ce chantier un évènement pédagogique à destination des habitants, mais le confinement ne l’a malheureusement pas permis.[...]