Livrée en août 2019, conçue pour reloger les enfants durant les travaux de rénovation d’une crèche du 6e arrondissement, cette crèche de 48 berceaux restera deux ans entre les grands arbres du jardin, avant d’être démontée et remontée dans le 13e arrondissement de Paris. Assemblée au moyen de boulonnages, et fondée sur des micropieux, elle sera intégralement déplacée, ce qui permettra à terme de restituer l’état initial du site au Sénat, qui en est propriétaire.
Comment les architectes ont-ils donc procédé ?
Forte de l’expérience de réhabilitations de bâtiments réalisés par Jean Prouvé, l’agence Djuric Tardio Architectes avait finement étudié le fonctionnement de ses structures. Peu réemployées dans l’histoire de la construction, elles ont été jugées tout à fait pertinentes pour répondre à cette commande de bâtiment temporaire réemployable. L’édifice se structure ainsi autour d’une enfilade centrale de portiques d’acier, d’entraxe 4,10 mètres, reliés par une longue poutre en lamellé-collé. Pour le reste, dans l’idée d’abaisser les prix de la construction bois et d’accélérer le chantier, seuls quatre types de caissons bois ont été conçus pour structurer l’ensemble : un module de plancher de rez-de-chaussée, un module de plancher intermédiaire, un module de façade plein, un module de façade vitré. Pour réaliser les 523 mètres carrés de surface utile, 140 panneaux de façade et 176 panneaux de plancher ont été mis en œuvre, au moyen de bois entièrement français. Tous basés sur une trame d’1,20 mètre, qui correspond aux dimensions standards des matériaux utilisés, ils sont libérés de leur fonction de contreventement grâce à la présence des portiques qui prennent en charge cette fonction, et sont constitués d’une ossature bois, de laine de roche et de panneaux trois plis en épicéa. Pour garantir l’étanchéité entre les modules de façade, les architectes ont prescrit un caoutchouc semblable à ceux de l'industrie automobile sur le pourtour de chaque caisson. À l’extérieur, les modules pleins sont couverts d’un bardage en inox brossé, posé sur liteaux et OSB, tandis que les panneaux menuisés sont composés de châssis en aluminium. Les quelques éléments de bois exposés sont autoclavés brun.
Particularité du projet, favorable à un démontage facilité, l’encastrement des panneaux de façade sur les panneaux de plancher est réalisé sans vis, au moyen d’un assemblage japonais : un système de clé métallique, conçu au retour d'un voyage à Tokyo. Pour le reste, tout est boulonné, ce qui n’a pas manqué de désarçonner les entreprises plus habituées à la visserie, raison pour laquelle il a fallu réellement travailler ensemble. Sur les 90 jours qu’a duré le chantier, la moitié s’est déroulée en atelier. Il ne restait que l’assemblage à réaliser sur place, ainsi que les fondations. Si elles ne paraissaient pas essentielles a priori, la légèreté du bâtiment bois les a rendues nécessaires.
À l’intérieur, le bois est partout, conférant de grandes qualités d’ambiance, d’hygrothermie et de sanité de l’air, tandis que les magnifiques vues sur les arbres du jardin - « les plus protégés de France », nous confie Caroline Djuric - permettent aux jeunes enfants de découvrir les saisons. Si les occupants notent une bonne qualité acoustique, ils font aussi l’expérience d’un certain confort thermique, notamment estival, garanti par le principe de sur-toiture ventilée, ménagée dans les combles. Pour ce faire, les deux sommités des pignons sont munies de grilles à maille fine qui laissent entrer l’air de manière traversante, l’isolation thermique située en-dessous. Le bâtiment n’étant pas pour autant passif, les équipements techniques sont conservés apparents, circulant discrètement au plafond, pour des facilités de démontage.
D’un point de vue économique, le bâtiment, dont le coût de construction atteint 1,8 million d’euros, représente 15% d'économie par rapport au budget habituellement alloué par place dans une crèche fixe. Néanmoins, pour être démonté, il nécessitera environ 145 000€ supplémentaire, et le remontage n’est pas encore tout à fait estimé. Néanmoins, le concept est prometteur, et d’une technicité relativement faible, qui permet à n’importe quelle entreprise de réaliser les travaux. Cette expérimentation pourrait initier d’autres projets du même type, notamment dans le cadre de la construction d’écoles dans le cluster media des JO 2024. L'équipe y travaille....à suivre !