CONGRÈS : Fibra, vers une architecture neutre en carbone

Rédigé par Sarah ADOR
Publié le 15/10/2018

Les 3 et 4 octobre, quelques jours avant le dernier rapport du GIEC, le Congrès International de la Construction Biosourcée s’est montré porteur de solutions constructives particulièrement pertinentes pour lutter contre le changement climatique.

RAPPORT DU GIEC : ÉTAT DE LA SITUATION CLIMATIQUE MONDIALE
En introduction de l'évènement, l'illustre climatologue Jean Jouzel a rappelé le caractère préoccupant des évolutions climatiques actuelles. Alors que l’accord de Paris, scellé en 2015 lors de la COP21, prévoyait de limiter l’élévation de la température à 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, l’absence de réaction suffisante des signataires rend l’objectif de plus en plus difficile à atteindre. Pire, l'accord lui-même serait désormais inapte à limiter le réchauffement à moins de 3 °C d’ici à la fin du siècle. Une élévation de 1,5° étant considérée comme le maximum soutenable, la société doit opérer un changement non seulement profond mais surtout très rapide dans ses manières de produire, de consommer et d’aménager. Les acteurs du secteur de la construction, dont l’impact est majeur à l’égard de cet enjeu (20%), doivent trouver des solutions. 

ÉVOLUTIONS CONSTRUCTIVES
On peut saluer le durcissement des réglementations thermiques, qui permettent de diminuer les émissions de carbone des bâtiments durant leur phase d’exploitation par une limitation des besoins de chauffage, de climatisation et d’éclairage. Toutefois, il existe encore une très large marge de progrès possible dans les émissions dues à l’énergie grise* des matériaux. À titre indicatif, les structures bois émettent 9 fois moins d’énergie grise que les structures béton, et 17 fois moins que les structures en acier1. Parce que cela n’influe pas sur la quantité de carbone en excès dans l’atmosphère, la stratégie de réduction ne suffira en rien à répondre aux exigences de l’urgence climatique : il faut désormais favoriser une captation du carbone. On sait que les sols sont capables d’absorber 3 fois plus de carbone que l’atmosphère s’ils sont végétalisés : il sera donc pertinent de remettre en culture certaines zones abandonnées. Néanmoins, puisqu’il faudrait plus de deux siècles pour reverdir la planète de manière suffisante2, les constructions humaines vont devoir participer à ce même objectif dans leur matérialité-même. Les bâtiments doivent devenir aptes à générer des « émissions négatives ». Or, seuls les matériaux biosourcés en sont capables, captateurs d’1t de CO2 par mètre carré, là où un français moyen émet 11,5 t de GES/an3. Claude Roy, bio-économiste, a rappelé à ce titre que la charpente de Notre-Dame-de-Paris stockait ainsi du carbone depuis 800 ans. En construisant en matériaux biosourcés, nous serions capables de limiter les émissions à 700 kg eq CO2/m², et de stocker 180 kg eq CO2/m²/an4, ce qui permettrait d’amortir les émissions générées par la construction en 4 ans, temporalité négligeable à l’échelle de la durée de vie du bâtiment, qui sera donc à impact largement positif à long terme.

DES FREINS À LA CONSTRUCTION BIOSOURCÉE
Nonobstant, force est de constater que nombreuses sont les barrières de papier, opposées par les assureurs notamment, à l’égard du bois, de la terre, et des autres matériaux biosourcés, alors que notre patrimoine nous prouve que ces solutions constructives sont très durables. Par ailleurs, ces matériaux souffrent d’une suspicion de la part du grand public, perçus comme insuffisamment solides. Des projets démonstrateurs permettront de déjouer ces aprioris infondés. Il y a aussi urgence à faire évoluer la loi et les labels pour encourager ces ressources. Actuellement, seuls deux labels très récents, Bâtiment Biosourcé et Bâtiment Bas Carbone, prennent en compte les émissions de carbone des matériaux. Par ailleurs, les produits biosourcés sont encore trop rares dans la nouvelle base de données INIES, qui a notamment pour but d’indiquer la capacité de stockage carbone des matériaux de construction. Enfin, il est urgent de former les architectes et ingénieurs, encore largement ignorants, ainsi que les artisans, seuls à-même de toucher également le secteur informel.

ENJEUX D'EFFICACITÉ DES RESSOURCES ISSUES DE LA BIOMASSE
En outre, notons que les ressources à croissance rapide (paille, chanvre, bambou, roseaux) sont des stockeurs encore plus efficaces que le bois : on aura besoin d'attendre que le bois croisse plusieurs années avant de l'utiliser, alors que pour les autres ressources fibreuses, la période sera plutôt de l'ordre d'une année, le stock de matière absorbante généré étant alors bien supérieur. Dans la filière bois elle-même, les essences ne sont pas toutes équivalentes : les résineux, qui ne représentent que 20% des surfaces arborées en France, croissent 3 fois plus rapidement que les feuillus. Toutefois, ils sont moins denses et plus fragiles. En tout état de cause, sous toutes ses formes, la filière biosourcée se révèle extrêmement prometteuse pour lutter contre le changement climatique. Nous avons désormais tout intérêt à encourager son développement.


* Energie grise : énergie consommée pour la fabrication des matériaux.
1. D'après une étude de 1999, citée par Claude Roy.
2. D'après Madiama Hazoumé, experte qualité environnementale des bâtiments.
3. D'après Jean-Christophe Visier, directeur Energie et Environnement du CSTB
4. D'après Jean-Christophe Visier

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